• Méthodologie
  • par Anouk Jeanneau modifiée le 8 septembre 2025 17:13

    Renaturer une friche pour assurer la reconquête du site par la biodiversité

    Quelques repères pour envisager ou non la reconversion écologique d’une friche via sa renaturation.
    En résumé

    Cette fiche présente les conditions favorables à la renaturation d’un site en friche (caractéristiques, réglementations, coûts) et donne un aperçu des questions à se poser (accès du public, niveau d’ambition, etc.), des outils et modalités de mise en œuvre d’un tel projet.

    🚀 L’APPUI PROPOSÉ

    La renaturation n’est pas uniquement un “laissez-faire”, qui risquerait de voir les espèces invasives proliférer. Elle vise des impacts environnementaux et écosystémiques forts, et doit être appréhendée comme une démarche volontaire, un processus accompagné afin d’assurer une reconquête du site par la biodiversité :

    • Sélectionner des espèces adaptées au milieu, promouvoir la diversité locale, lutter contre les espèces invasives.

    • Réhabiliter et restaurer les écosystèmes ; désimperméabiliser et améliorer la qualité des sols, en lien avec le contexte naturel local.

    📌 Critères et points clefs pour envisager la renaturation d'un site en friche :

    • Enjeux du territoire (notamment traduits dans les documents d’urbanisme applicables) ;

    • Besoins du propriétaire du site et ressources disponibles ;

    • Taille et situation du site (zonage, milieu, bâti à démolir, etc.) ;

    • Proximité avec les trames verte, bleue et brune (voir blanche et noire, concernant respectivement la pollution sonore et lumineuse), dans le cadre du schéma régional de cohérence écologique (SRCE) ;

    • Résultats d’évaluations prédictives de risques (ex : analyses des risques résiduels associées aux usages considérés) ;

    • Compatibilité avec les pollutions (selon les résultats des investigations sur les sols, les eaux souterraines et les gaz du sol ainsi que d'éventuelles études documentaires sur l’historique du site) ;

    • Temporalité (projet et impacts long terme).

    🔎 Diagnostics initiaux :

    • Diagnostic agronomique et pédologique pour déterminer les types de sols ;

    • Diagnostic « sites et sols pollués » (SSP), indispensable pour qualifier les risques sanitaires et les pollutions résiduelles. Il pourra conduire à la réalisation d’une IEM (interprétation de l’état des milieux) ou d’un plan de gestion ;

    • Repérage des réseaux (ex : gaz) ;

    • Diagnostic écologique (dont inventaire faune et flore, cycle de l’eau, zones de protection, etc.) ;

    • Étude des continuités écologiques alentour ;

    • Evaluation prospective des risques sanitaires (ERS) ;

    • Caractérisation des risques pour les écosystèmes : indice de préoccupation (IdP), voire caractérisation de la (bio)disponibilité des polluants, et si besoin, évaluation des risques pour les écosystèmes (ERE).

    🧐 Orientations nécessaires pour définir un projet de renaturation :

    • Choix du niveau de présence humaine autorisée sur le site (tout ou partie, cheminements, etc.) ;

    • Choix du milieu écologique type visé adapté au contexte des sols et des pollutions potentielles ainsi que des services écosystémiques souhaités (en s’appuyant par exemple sur la typologie EUNIS, l’avis d’experts écologues, ainsi que les prévisions d’influences locales liées au changement climatique) ;

    • Sélection adaptée d’indicateurs de suivi appropriés et en nombre proportionné (incluant un socle de base transversal et des indicateurs spécifiques au milieu visé) ;

    • Choix et caractérisation d’un environnement local de référence (ELR) ou “environnement témoin”. C’est un référentiel qui servira d’objectif pour le projet de renaturation ;

    • Choix et mise en œuvre des interventions et des techniques appropriées, à partir d’un bilan coûts / avantages.

    🛠️ Des outils sur lesquels s’appuyer :

    • Pour la végétalisation, l’outil Sésame (Services ÉcoSystémiques rendus par les Arbres, Modulés selon l’Essence) du Cerema vise à éclairer techniciens et décideurs sur l’opportunité de planter, le choix des essences, les pratiques de gestion adaptées ».

    • En France, la marque Végétal local® mise en place par l’Office français de la biodiversité (OFB) est un outil de traçabilité des végétaux sauvages et locaux. Il permet de proposer des espèces floristiques sauvages adaptées à différentes régions.

    • L’outil Plus fraîche ma ville de l’ADEME vise à aider les collectivités dans le choix de solutions de rafraîchissement urbain pérennes et durables, proposant notamment des “solutions vertes”.

    • L’outil EVNATURB fournit des éclairages aux décideurs, en permettant de tester la mise en œuvre de diverses solutions fondées sur la nature, et en indiquant leur niveau de pertinence au regard de la gestion des eaux pluviales et de l’atténuation des îlots de chaleur.

    • L’outil Floriscope et son système d'informations Végébase (Plante&Cité) visent à aider tous les professionnels à connaître, choisir et trouver leurs végétaux.

    🧮 Evaluation des coûts :

    Une étude de 2019 par France Stratégie propose un coût moyen par étape du processus :

    • Déconstruction : 65 €/m² dont 35 € /m² des coûts de démolition et 30 €/m² de traitement des déchets

    • Dépollution : 2 à 65 €/m² pour les processus de phytoremédiation

    • Désimperméabilisation : 60 à 270 €/m²

    • Construction de technosols : 33 à 55 €/m²

    Plus récemment (février 2025), un groupe de chercheurs a publié un document de travail qui analyse des données collectées auprès des acteurs de la renaturation des sols. Ils évaluent des coûts de renaturation allant de 50 à 320 euros par mètre carré pour des sols compactés, imperméabilisés ou construits, et jusqu’à 800 euros par mètre carré pour des sols pollués. Les études préalables (de 1 à 13 €/m²) et la gestion et le suivi (de 1 à 29 €/m²) sont les étapes les moins coûteuses, tandis que la gestion des déchets et terres excavées (de 26 à 242 €/m2) et surtout l’assainissement des sols, actions de dépollution, (de 35 à 573 €/m2) représentent les dépenses les plus élevées.

    L’étude met aussi en lumière la structure et les facteurs de variabilité de ces coûts, en particulier les techniques utilisées à chaque étape et les spécificités du chantier (bâtiments mitoyens, amiante, etc.). A noter que des opérations de compensation écologique, plus exigeantes, pourraient être plus coûteuses.

    💸 Pistes de financement :

    • Fonds vert : mesure “recycler le foncier” (anciennement fonds friches) et “renaturation des villes et des villages” ;

    • Fonds européen FEDER et LEADER, selon la programmation stratégique du territoire ;

    • Subventions éventuelles des collectivités territoriales (Conseil départemental et régional), en fonction des priorités définies localement ;

    • Potentielle aide financière de l’établissement porteur de SCoT ou de ses EPCI membres si l’objectif politique de financement est validé par les élus et figure au plan d’actions du SCoT ;

    • Aides des Agences de l’eau, pour des projets liés à des masses d'eau (trame bleue, désimperméabilisation des sols, résorption des crues, etc.) ;

    • Financements privés : compensation, objectifs ZAN des entreprises ;

    • Modèles alternatifs type Obligations Réelles Environnementales (ORE) ;

    • Crowdfunding et plateformes de financement participatif ;

    ⚡ PASSER À L’ACTION

    Mis à part les financements, des structures accompagnatrices peuvent aider les collectivités à concrétiser des projets de renaturation des sols.

    L’Agence nationale de la cohésion des territoires facilite l’accès des collectivités locales à l’ingénierie technique et financière. Le préfet, délégué territorial de l’Agence, est le point d’entrée pour solliciter l’ANCT : il mobilise par la suite les compétences nécessaires au projet au sein des services de l’État, des opérateurs comme le Cerema et/ou des acteurs volontaires.

    Des agences régionales pour la biodiversité, créées à l’initiative de la Région et de l’OFB, se mettent également progressivement en place, en lien avec les services de l’État, les Agences de l’eau et d’autres acteurs territoriaux. Adaptées aux spécificités régionales, elles peuvent accompagner les porteurs de projets, relayer les appels à projets dans le domaine de la biodiversité, animer des comités régionaux de financeurs pour coordonner et simplifier les financements.

    Les agences d’urbanisme et les CAUE sont également des relais précieux pour la mise en œuvre des projets de renaturation des sols, grâce à leurs missions de conseil et de pédagogie autour des évolutions urbaines, de la planification territoriale, de la qualité paysagère et environnementale des aménagements.

    ℹ️ AUTRES INFORMATIONS

    IDFriches propose un guide “Quels usages alternatifs pour les friches ?” qui comprend une fiche-pratique pédagogique sur la renaturation (p.23).

    Retrouvez les éléments de l’étude de 2025 sur l’évaluation des coûts de renaturation dans cet article.

    L’institut de recherche INERIS a publié début 2025 un rapport intitulé “Méthodologie pour encadrer l'usage de renaturation dans la gestion des sites et sols pollués”. Il contient notamment des entretiens avec des bureaux d’études spécialisés, des exemples de projets, ainsi qu’une analyse des bénéfices, opportunités et points bloquants des opérations de renaturation.

    La Mission Economie de la Biodiversité a publié en 2022 le document “Renaturer les sols, des solutions pour des territoires durables”. On y retrouve des exemples et fiches-projets (à partir de la page 26), ainsi que des pistes de financements publics et privés.

    Cette fiche s’appuie sur les ressources citées ci-dessous, dont nous recommandons la lecture pour une compréhension approfondie des enjeux de la renaturation.